Chrétiens d’Orient : l’urgence

Le dossier de Pierre Challier

Victimes des jihadistes et de la radicalisation des sociétés musulmanes, ils fuient les terres qui ont vu naître le christianisme. Leurs témoignages, au Liban, en Syrie et au Kurdistan irakien.chretiens-stats

Le sourire est bienveillant. Mais le regard y ajoute une touche d’ironie assortie d’une ombre de lassitude. Fauteuils capitonnés de pourpre… il invite ses hôtes à prendre place tandis qu’il s’assied sous la croix, entre son propre portrait et celui du pape. Enfin, Mgr Grégoire Ghabroyan interroge… « Qu’est ce que vous nous apportez ? La paix ? ».

Hasard des dates, le président français François Hollande fait étape au Liban ce même jour où lui, patriarche arménien catholique, reçoit une délégation française de la coordination Chrétiens d’Orient en danger (CHREDO) en son patriarcat d’Achrafieh, quartier chrétien de Beyrouth-est.

Militaires français et religieux chrétiens libanais lors d’une célébration, à l’époque du mandat.
Militaires français et religieux chrétiens libanais lors d’une célébration, à l’époque du mandat.

Et derrière cette question, remontent soudain quelques siècles d’histoire que le prélat veut peut-être rappeler subtilement à son auditoire. Depuis 1535 et l’alliance passée entre François Ier et Soliman le Magnifique, maître de la Sublime Porte, sultan de l’Empire ottoman, la France n’est-elle pas la protectrice des chrétiens de Terre Sainte et plus largement d’Orient ?

Protectorat que ses Républiques laïques avaient implicitement prolongé en se rangeant de fait à l’avis de Léon Gambetta : « L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation », résumait ainsi le natif de Cahors, quant à la « realpolitik » étrangère de Paris, en 1877…

« Qu’est-ce que vous nous apportez ? La Paix ? »… Question d’autant plus lourde de sens quand on est arménien, au Moyen-Orient, en 2016. Certes, le 23 avril 2014, veille de la commémoration officielle du génocide, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre de la Turquie, avait présenté ses condoléances aux descendants des victimes des massacres de 1915-1916…

Un habitant de Kessab, nous racontant en septembre dernier à Lattaquié l’attaque contre cette localité où vivait une forte communauté arménienne, à la frontière turque.
Un habitant de Kessab, nous racontant en septembre dernier à Lattaquié l’attaque contre cette localité où vivait une forte communauté arménienne, à la frontière turque.

Mais comment recevoir ce premier pas ? Quand Ankara refuse toujours de reconnaître le crime et que cette déclaration tombe alors moins d’un mois après l’affaire de Kessab.

Kessab ? Ce village syrien à la frontière turque, majoritairement peuplé d’Arméniens et que des centaines de jihadistes d’Ahrar al Cham du Front al-Nosra, franchise syrienne d’al-Qaïda, ont attaqué le 21 mars 2014… depuis la Turquie et « avec la complicité des Turcs », selon les Arméniens qui ont dû fuir, confirmés par différents observateurs.

Mgr Grégoire Ghabroyan
Mgr Grégoire Ghabroyan

500 à 600 familles qui ont vu ce jour-là se réveiller le spectre d’une tragédie séculaire et qui vous ramènent à Beyrouth puisqu’ici… « du jour au lendemain, 300 de ces familles se sont retrouvées chez nous, à même le sol dans une église », explique Mgr Ghabroyan, soulignant la solidarité dont a fait preuve la communauté arménienne locale pour les prendre en charge, mais aussi celle « des musulmans qui nous ont aidé à les accueillir ».

Génocide et Troisième guerre mondiale…

« Les Arméniens ont subi le premier génocide du XXe siècle, mais cent ans après, un deuxième se prépare et il n’y a pas que les chrétiens visés, il y a les musulmans, aussi . En 1946, j’avais entendu dire que la troisième guerre mondiale se passerait ici », prévient le patriarche, enchaînant… « Au Liban, si les Libanais sont laissés à eux-mêmes, ils s’entendent très bien. Nous avons des fêtes communes, chrétiens-musulmans, mais depuis quelques décennies que nous nous faisons la guerre, c’est parce que quelqu’un pousse derrière, une cinquième colonne. Les communautés sont instrumentalisées par des intérêts qui ne sont pas les leurs, les Arabes n’ont jamais persécutés les chrétiens. » Car ici, au Moyen-Orient, les chrétiens sont arabes. Quand ils ne sont pas Arméniens. Ou Assyriens, les autres victimes oubliées du génocide, il y a cent ans.

Catholiques, orthodoxes ou protestants… leurs églises racontent alors, pour les plus anciennes, le christianisme en son berceau, de Jérusalem à Damas, d’Antioche à Bagdad. Coptes, maronites, chaldéens, syriaques : leurs liturgies y résonnent aussi comme des patrimoines de l’humanité, certains priant encore en araméen, la langue du Christ. Mais combien restent-ils ? Au Liban, en Syrie, en Irak, en Jordanie, en Egypte, en Palestine, en Israël, en Turquie, en Iran ou au Bahreïn… Toute la question.

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Homs. Restaurant désormais à ciel ouvert, après les bombardements.

Celle qui se pose désormais devant les ruines de leurs quartiers, dans les zones de conflit. L’an dernier, l’organisation catholique Aide aux églises en détresse (AED www.aed-france.org/) évaluait leur présence au Moyen-Orient à 14 millions dont plus de 8 millions de Coptes égyptiens. Mais elle constatait aussi partout l’effondrement de leurs populations. 250 000 à Bagdad avant la guerre, persécutés depuis 2004, ils y survivent aujourd’hui quelques milliers. En Syrie ? « Prêt d’un million seraient partis, bouleversant la démographie du pays », résume le révérend Harout Selimian, président des églises protestantes arméniennes de Syrie, témoin d’un jihadisme quotidien qui a quasiment vidé Alep de ses chrétiens en rasant leurs quartiers.
Irak, Syrie… « L’influence de l’extrémisme islamique et notamment du groupe État islamique a pour effet une radicalisation des sociétés musulmanes, avec un rejet de plus en plus grand de toute présence chrétienne », analyse pour sa part l’ONG  protestante Portes Ouvertes (www.portesouvertes.fr), dans son index mondial 2016 des persécutions des chrétiens.

Portes ouvertes distingue deux types de persécutions : “marteau” et “étau”, la violence physique et matérielle brutale et l’oppression discrète, faite de rejets, de discriminations. Selon l’atlas dressé par cette ONG, l’extrémisme islamique reste la première source de persécution dans 35 des 50 pays du classement 2016 où l’Irak est deuxième derrière la Corée du Nord, la Syrie étant cinquième et l’Iran neuvième.

Daech transforme les églises en prison…

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Mgr Nicodème Daoud Sharaf, archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul (à droite) réfugié au Kurdistan irakien, ici en compagnie de Mgr Bashar Warda, Archevêque Chaldéen d’Erbil(à gauche).
Mgr Nicodème Daoud Sharaf, archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul (à droite) réfugié au Kurdistan irakien, ici en compagnie de Mgr Bashar Warda, Archevêque Chaldéen d’Erbil(à gauche).

Mais… « Le monde préfère se préoccuper des pandas plutôt que de nous, menacés de disparition sur les terres qui nous ont vus naître », se désole Mgr Nicodème Daoud Sharaf, archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul que nous rencontrerons bientôt, réfugié à Erbil, capitale d’un Kurdistan irakien accueillant plus de 120000 chrétiens ayant fui le jihadisme salafiste et la charia.

Chez lui et dans la plaine de Ninive ? Daech a détruit ou ravalé en prisons les 45 églises de la ville, transformé sa cathédrale en mosquée, réduit en cendres des écritures du IIe siècle, brisé des statues du VIIe et fait sauter, fin avril, le clocher de Notre-Dame de l’Heure que l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, avait offert aux dominicains.

Un véritable « nettoyage confessionnel » qui « ne concerne pas que les chrétiens mais aussi les musulmans non salafistes et toutes les minorités du Moyen-Orient : les chiites, les alaouites ou les Yézidis sont aussi visés par cette monstrueuse entreprise d’effacement humain et culturel », rappelle le député de Haute-Garonne Gérard Bapt (PS), président du groupe d’amitié France-Syrie, accompagnant avec cinq autres parlementaires français cette délégation de la CHREDO.

Le vivre ensemble contre le fanatisme

Chrétiens, musulmans, nous sommes dans le même bateau et le danger serait de ne se préoccuper que de la défense des siens,

résument alors, à l’instar de Mgr Ghabroyan, tous les responsables religieux des différentes églises, se battant pour que les chrétiens d’Orient restent chez eux, refusant un exode qu’ils savent sans retour. Refusant tout esprit de croisade, aussi. Militant au contraire pour le « vivre ensemble » contre le fanatisme. « La question, c’est la survie du monde oriental, de la civilisation », insistera d’ailleurs Vian Dakhil, lorsque nous la verront aussi à Erbil, députée yézidie irakienne se battant pour la survie de son peuple, victime d’un génocide mené par le groupe Etat islamique.

Aucun n’est dupe, cependant. « Ce n’est pas une guerre de religions ». Tous savent qu’ils sont les victimes de l’affrontement auquel se livrent par procuration la Turquie islamiste, nostalgique d’un Empire ottoman autrefois gardien des lieux saints musulmans, l’Arabie saoudite et le Qatar wahhabites, tous à la fois adversaires et alliés… car tous ennemis de l’Iran chiite et avides de redécouper la région selon leurs intérêts concurrents.

Français d’origine libanaise et président de la CHREDO, Patrick Karam, vice-président (Les Républicains) de la région Ile-de-France, refuse lui aussi cette confessionnalisation du conflit. « C’est d’abord le problème des droits de l’Homme que posent ces persécutions », rappelle-t-il. Dans une région où les chrétiens sont traditionnellement un élément modérateur entre sunnites et chiites autant qu’un trait d’union entre Orient et Occident, « au-delà, ce sont aussi les intérêts mêmes de l’Europe qui sont en jeu » soulignent-ils alors, en Syrie, en Irak, au Liban.

Le Liban ? 4,5 millions d’habitants. Et plus de 1,8 million de réfugiés. « Imaginez-vous ce ratio, en France ? Si vous deviez accueillir proportionnellement autant de personnes, avec une économie pénalisée par les guerres voisines et dans une situation de blocage institutionnel, puisque nous sommes sans président de la République depuis deux ans et qu’il n’y a pas eu d’élections législatives depuis 2009 ? » , vous interpelle donc l’interlocuteur libanais, lorsqu’il évoque l’avenir de son pays. Inquiet.

A fortiori lorsqu’il vit à Zahlé, agréable capitale de la Békaa connue pour ses vins, sur les contreforts du mont Sannine. Et traditionnel bastion refuge des chrétiens. Ville emblématique, Zahlé, à mi chemin entre Beyrouth et Damas, comme elle est aussi un trait d’union entre le nord de la fertile Békaa, à majorité chiite et en faveur du régime syrien, le sud-est de la Békaa, à majorité sunnite, donc pro-opposition, et le sud-ouest chrétien.

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Mgr Issam Darwiche, évêque grec melkite de Zahlé.

Ici ? « L’archevêché a toujours rempli sa mission de conciliation entre les communautés et de soutien à ceux qui souffrent », rappelle Mgr Darwiche, l’évêque melkite -la tradition grecque catholique- de la ville. Référence aux rencontres entre parties et négociations qui s’y déroulaient durant la guerre civile. Et aux distributions d’aide humanitaire qui s’y font désormais. Aujourd’hui ? Ces hommes et ces femmes font la queue à l’évêché et présentent leur carte de réfugié pour récupérer des cartons de produits ménagers. Ceux-là sont des chrétiens qui ont tout laissé à Homs, « sauf les enfants ». Basman Kasousa, 47 ans, était commerçant, il a fui dès le début de “la crise”.

Sur le bras d'un réfugié venu récupérer des produits ménagers, une croix tatouée.
Sur le bras d’un réfugié venu récupérer des produits ménagers, une croix tatouée.

“Lorsque les terroristes ont envahi le quartier, on a été battus, les filles enlevées, violées, 25 personnes au moins ont été tuées, ma famille a été spécialement visée, cinq morts”, affirme-t-il, insistant sur le fait que les violences contre les chrétiens ont commencé dès 2012-2013 avec l’Armée syrienne libre, avant l’arrivée des jihadistes. La Syrie demain, délivrée des terroristes salafistes ? Pour Mgr Darwiche comme pour tous les autres responsables chrétiens, l’urgence est d’arrêter l’hémorragie, ces départs qu’ils savent par expérience définitifs, “l’important, c’est que les réfugiés puissent rentrer le plus tôt possible dans leur pays” dit-il aussi. Mais plutôt mourir, pour certains : “Si on doit retourner à Raqqa, autant nous tuer tout de suite. Même si Daech part, quelqu’un autre nous tuera” lâche une femme bouleversée à l’idée…

L’ancien chauffeur prend soin de cacher son nom sur son “laissez-passer” pour chrétiens ayant payé l’impôt islamique : même au Liban, il craint les représailles.
L’ancien chauffeur prend soin de cacher son nom sur son “laissez-passer” pour chrétiens ayant payé l’impôt islamique : même au Liban, il craint les représailles.

Dans la cour, un homme veut témoigner. Il était chauffeur, jusqu’au jour où al-Nosra a arrêté son bus pour un contrôle d’identité. On l’a séparé de ses passagers musulmans. Fait mettre à genoux. Une heure et demi, les mains derrière la tête. Puis informé qu’en tant que chrétien, il pouvait être légalement égorgé. Sauf s’il s’acquittait de la jizya, l’impôt islamique pour les non-musulmans ou se convertissait en faisant sa profession de foi.

Il montre son reçu en forme de laissez-passer. En tremble encore. Requiert l’anonymat à tout prix. D’autant plus que les jihadistes s’infiltrent partout, pouvant s’appuyer dans les camps sur la complicité d’autres réfugiés favorables à leurs idées ou tenus par des liens familiaux. Et comment les identifier, vu la masse ?

Vue satellite de Zahlé avec les camps (en rouge), document diffusé par l'archevêché.
Vue satellite de Zahlé avec les camps (en rouge), document diffusé par l’archevêché.

Dans la Bekaa, les statistiques parlent d’elles-mêmes. Le Gouvernorat de la région recense 565 877 habitants parmi lesquels les Libanais se comptent… 275 373, dont 65 695 sous le seuil de pauvreté soit 48,7 % de la population. Les Syriens réfugiés ? Selon le même recensement, ils s’y dénombrent 274 412, soit 48,5 % auxquels s’ajoutent 6050 Palestiniens exilés au Liban et 6785 Palestiniens de Syrie subissant eux aussi un nouvel exode aujourd’hui. Pour la seule ville de Zahlé, les chiffres établis par le diocèse sont également éloquents : 176 825 Libanais dont 36 426 sous le seuil de pauvreté, 192 045 réfugiés syriens, 7672 réfugiés palestiniens.

De quoi bouleverser la démographie du pays et à terme l’équilibre délicat entre chrétiens, chiites et sunnites, lesquels se partagent un pouvoir toujours fragile à trois présidents ainsi que le veut la Constitution née des accords de Taëf, le Président de la république libanaise étant de droit un chrétien maronite, le président du Conseil des ministres un sunnite et le président du Parlement un chiite.

« En 2015, le nombre de naissances a été de 60000 dans les camps de réfugiés contre 45000 dans les foyers libanais », souligne ainsi Gérard Bapt, fin observateur des évolutions du pays. De quoi fabriquer de la désespérance en circuit fermé, un vivier de violence prêt à s’exporter, préviennent les ministres, élus et anciens militaires libanais rencontrés. Tandis que chacun note aussi que les chrétiens ne peuvent pas rester dans les camps où ils continuent à subir pressions, menaces, brimades voire violences de réfugiés musulmans radicalisés… phénomène que l’Allemagne commence aujourd’hui à constater dans ses propres centres d’accueil.

“Le Liban subit les terribles répliques et conséquences des guerres générées par l’Occident, qui se traduisent, en plus de la menace sécuritaire et des dissensions confessionnelles ravivées à l’extrême, par un mouvement massif et incontrôlé d’une population syrienne dans notre pays, démuni pour répondre aux besoins de ces déplacés”, résume l’ancien ministre Salim Jreissati. Des répliques que nombre d’autres responsables libanais voient comme inéluctables en Europe. L’Europe, “la plus concernée et la grande absente du dossier Moyen-Orient, face à la Russie et aux États-Unis”, notent-ils aussi.

Maaloula, ce village martyr où l’on parle la langue du Christ

De l’autre côté de la Békaa, le massif de l’Anti-Liban en face de Zahlé et au delà, la Syrie.

Sur la route, de larges panneaux publicitaires vendent de l’éducation très chère et peut-être payante, en tous les cas multilingue pour réussir plus tard dans les affaires, vante des voitures, de la téléphonie.

Tandis qu’entre les vergers ou dans les terrains vagues proches des éternels immeubles en panne, ponctuant de briques et de béton tant la campagne que les agglomérations, se devinent de précaires campements. Main d’oeuvre à prix cassé qui ajoute à la fragilité des Libanais les plus démunis, l’autre problème des réfugiés à gérer pour le Liban.

La plaine de la Békaa, derrière la montagne, la Syrie.
La plaine de la Békaa, derrière la montagne, la Syrie.

Beyrouth-Damas… 85 km à vol d’oiseau, un peu plus de 110 par la route. Toulouse-Agen. Mais avec deux postes frontière de chaque côté d’un no-man’s land de 10 km. Même impression qu’au précédent voyage, en septembre dernier : la vie continue.

Les mêmes familles à sacs et ballots dans les mêmes queues pour faire viser leurs passeports, avec ou sans voiles, en costard ou dépenaillées, la même attention pointilleuse des uniformes armés et une circulation dans les deux sens. Certes pas dense, mais régulière.

Poste frontière syrien d'Al Jdedeh, portrait de Bachar al-Assad
Poste frontière syrien d’Al Jdedeh, portrait de Bachar al-Assad

Le premier portrait de Bachar al-Assad vous sourit dans la montée, près d’un ancien camp militaire, quelques kilomètres avant l’entrée officielle en République arabe syrienne. En civil ou en officier, avec ou sans lunettes de soleil, Bachar al-Assad a toujours le même sourire énigmatique. Et Bachar al-Assad voit toujours tout partout, omniprésent chez chacun.

Officiellement culte comme feu son père, le « lion » alaouite Hafez. Et comme traditionnellement depuis plus de 4000 ans, dans la région…

Bien avant les importations soviétiques, se dit-on soudain, en souvenir du prince Gudéa de la cité de la Lagash,   qui, déjà, multipliait les statues à son effigie, en 2140 avant J.C., du côté d’une Mésopotamie que les accords Sykes-Picot n’avaient pas encore inventée sous la forme d’Irak, il y a cent ans.

François Georges-Picot et sir Mark Sykes.
François Georges-Picot et sir Mark Sykes.

Lorsqu’en mai 1916, les deux hommes bricolaient en secret la future bombe à fragmentation du Moyen-Orient, ces nouvelles frontières tracées sur les décombres de l’Empire ottoman. Paperasse, visa. Dans la salle d’accueil syrienne, une toile représente les ruines de Palmyre. Debout. Colonnes droites. Avant.

Centenaire lourdement symbolique

Le 16 mai 1916, sir Mark Sykes et François Georges-Picot négocient l’accord secret qui prévoit le démantèlement de l’Empire ottoman après la guerre et le partage du monde arabe entre alliés français et britanniques.Les Français prendront le Liban, la Syrie et la région de Mossoul, les Britanniques le reste de la Mésopotamie, c’est à dire l’Irak et la Transjordanie. La Palestine doit devenir une zone internationale. Ils dessinent ainsi pour un siècle la carte du Moyen-Orient et sèment ces germes des conflits qui vont la déchirer jusqu’à son explosion, aujourd’hui.

Autoroute. Trafic normal de nuages noirs au cul des camions, de voitures japonaises et de coréennes ayant depuis beau temps détrôné les Peugeot françaises, vendeurs de fruits et légumes ou cafés improvisés avec une remorque, deux tables et trois chaises, sur le bas côté, mais forte présence militaire et bus blindé “Pégase” pour vous rappeler la guerre…

Au registre des précautions, d’ailleurs, on quitte alors la quatre voies filant vers Homs, pourtant la plus rapide pour monter à Maaloula, et l’on prend un « itinéraire bis » afin d’accéder au village devenu l’un des symboles des persécutions contre les chrétiens d’Orient, étape obligée pour la délégation de la CHREDO, avant de rejoindre Damas, à une soixantaine de kilomètres.

Le père Tewfik dans l’église Saint Georges.
Le père Tewfik dans l’église Saint Georges.

Ici ? Sous les voûtes de l’église Saint-Georges, le père Tewfik entonne « Abun dbachmayo… » Et les premiers mots de son Notre Père abolissent soudain deux millénaires. Parce qu’ici… « on célèbre encore les messes dans la langue du Christ, nous parlons encore l’araméen », sourit le curé de cette paroisse grecque catholique melkite, prieur du monastère Saints-Serge-et-Bacchus dominant Maaloula.

D’abord un kamikaze…

Sur la porte marquant l’accès au village, les traces des combats.

L’araméen : la spécificité de Maaloula, donc, l’une des trois dernières localités où se parle cette langue des prêches originels, en Syrie. Et pas la seule. Au pied de ses falaises, de ses refuges troglodytiques remontant aux premiers siècles du christianisme, c’était un gros bourg de 3 000 habitants avant la guerre. Un haut lieu de pèlerinage, aussi, abritant le tombeau de Sainte-Thècle, disciple de Saint Paul, devenu une halte touristique autrefois prisée, en Syrie, avec ses couvents et ses églises parmi les premiers sites chrétiens de l’histoire. « 206 000 visiteurs dont 34 000 Français en 2010. On y vivait ensemble en paix avec les musulmans… », souligne le père Tewfik. Jusqu’au 4 septembre 2013.

Dynamitée par les jihadistes, la statue de la Vierge vient d’être remplacée par les habitants de Maaloula.
Dynamitée par les jihadistes, la statue de la Vierge vient d’être remplacée par les habitants de Maaloula.

« Ils ont d’abord lancé un kamikaze sur le barrage de l’armée syrienne protégeant l’entrée du village. Et puis ils ont attaqué. C’était le Front al-Nosra avec différentes factions jihadistes, des voyous qu’on connaissait, des trafiquants des contrebandiers reconvertis en « combattants » », dénonce Najo Wahbe, le maire baassiste du village (parti présidentiel). Mais il y avait aussi « des Tchétchènes, des Marocains, des Égyptiens », pointe un habitant.

Durant plusieurs jours, les combats entre armée syrienne et fanatiques ont été furieux. Et le père Tewfik en est sûr : « s’ils s’en sont pris à nous, c’est justement parce qu’ici, notre langue araméenne témoignait de notre présence depuis des siècles et parce que nous vivions ensemble en paix avec les musulmans, et ce symbole-là, ils voulaient le détruire ». Les jihadistes ont pris le village une première fois. Sont partis. L’ont repris. Avant d’être définitivement chassés par les forces régulières. « 200 morts » côté loyaliste. Chiffres incertains, côté jihadistes. Et huit mois d’enfer pour le village…

Dans l’église Saint Georges, les oeuvres peintes ont été systématiquement dégradées.
Dans l’église Saint Georges, les oeuvres peintes ont été systématiquement dégradées.

Sur les murs de l’église, les icônes en portent toujours les stigmates. Visages du Christ et des saints défigurés. Hors de portée des couteaux, Sainte Barbara a pris une balle. Dans la cour où jouent les enfants de l’école, gît Saint Georges fauché de son cheval et les jambes amputées d’un Jésus de bronze.

Alentour, lieux de convivialité, les restaurants étaient « pêché » : l’ivresse de Dieu y a remédié, les exaltés les ont aussi dynamités. Comme l’hôtel Safir, leur QG déjà ravagé d’où il faisait rouler des pneus farcis d’explosifs sur les maisons en contrebas, aux toits toujours éventrés.

Le père Tewfiq poursuit la litanie…« L’église Saint-Thomas a été brûlée. Le monastère Saint-Serge-et-Bacchus a été saccagé alors que c’est l’un des plus anciens du Moyen-Orient».

Le monastère Saint-Serge-et-Bacchus.
Le monastère Saint-Serge-et-Bacchus.

Des icônes, détruites ou pillées, ne restent que des photos. L’autel brisé ? Il a retrouvé sa forme originelle, celle qui attestait justement l’ancienneté du lieu. “Ce type d’autel, en partie arrondi et rappelant les autels païens pour les sacrifices, a été interdit au concile de Nicée en 325, l’église du monastère a été construite à partir du IV e siècle”, précise le prêtre devant cette partie restaurée.

 

L'autel du IVe siècle, restauré. Un soldat syrien allume un cierge.
L’autel du IVe siècle, restauré. Un soldat syrien allume un cierge.

La conversion ou la mort

Sarkis Perkil, pris en otage, torturé et rendu contre rançon.
Sarkis Perkil, pris en otage, torturé et rendu contre rançon.

Les habitants ? Presque tous avaient fui. « Mais moi, j’étais au champ lorsqu’ils sont arrivés, ils m’ont enlevé, torturé », témoigne Sarkis Perkil. « Soit vous vous convertissez, soit on vous tue » : l’alternative proposée. à moins de payer. Pour les douze religieuses prises aussi en otages à Maaloula ? Le Qatar est intervenu : elles ont été rendues saines et sauves. Mais « six jeunes kidnappés n’ont toujours pas été libérés, on est sans nouvelles », s’inquiète l’oncle d’un disparu.

Attentive, la délégation de la CHREDO note son histoire. « Nous sommes les seuls à ce jour à avoir déposé plainte contre Daech devant la Cour pénale internationale pour « génocide et crimes contre l’humanité » ainsi qu’une plainte pour « complicité » auprès du procureur de Paris, contre les Français partis combattre avec les jihadistes salafistes. Le but de notre voyage est aussi de recueillir des témoignages pour nourrir ces dossiers », explique Patrick Karam.

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » édicte la déclaration universelle des droits de l’Homme. « Sarkis Zaklem, Antoine et Michaël Talab ont été exécutés parce qu’ils étaient chrétiens », explique à présent le père Tewfik sur le lieu de leur assassinat, devant leur photo.

Le père Tewfik devant le petit monument à la mémoire des trois victimes.
Le père Tewfik devant le petit monument à la mémoire des trois victimes.

Investissant le village et cherchant les derniers habitants qui ne l’avaient pas évacué, les jihadistes leur avait dit de sortir de chez eux, qu’il ne leur ferait aucun mal. Grenade pour accélérer le mouvement. « à peine dehors, ils les ont tués », poursuit-il, évoquant la mémoire des “martyrs”. Car en Syrie, il n’y a jamais de morts. Que des “martyrs” : mot qui revient en boucle quelle que soit la confession, le parti…

Sœur d’Antoine, Antoinette vit toujours avec leur père juste au dessus du lieu de l’exécution. Il n’entend et n’y voit pratiquement plus. Ça l’a sauvé ce jour là, il n’est pas sorti de la petite maison toujours marquée par les séquelles des combats. Mais sa fille a manqué être tuée aussi.

Antoinette a survécu à l’attaque, pas son frère.
Antoinette a survécu à l’attaque, pas son frère.

Elle écarte doucement du doigt son col en V et montre l’impact. Sous son index, la cicatrice causée par la balle qu’elle a prise au-dessus du cœur. « Je ne vous demande pas de nous protéger en tant que chrétiens, mais de nous protéger en tant qu’êtres humains », lance le père Tewfik en forme d’adieu.

Direction Damas. « Les chrétiens courent plus de risques que les autres communautés minoritaires, ils ont choisi de ne pas être armés », explique maintenant Mgr Zenari, nonce apostolique et doyen des ambassadeurs de Syrie, déplorant plus que les destructions d’édifices religieux les victimes de la guerre, ces « 300 000 morts comme 300 000 cathédrales détruites » et « un droit humanitaire piétiné chaque jour ».

Mgr Zenari
Mgr Zenari nonce apostolique et doyen des ambassadeurs de Syrie

Dans son quartier calme et sécurisé, la nonciature semble bien loin des bruyants encombrements de la capitale, de ses checks points, de cette vitalité commerçante et étudiante que le conflit semble ne pas pouvoir entamer le long des grandes artères. Mais elle n’est pas en dehors du monde. « à 6 km d’ici, il y a le camp de Yarmouk, la situation y est dramatique » poursuit le nonce. Yarmouk… ville construite en 1957, déjà pour des réfugiés, palestiniens alors.

« Du point de vue des risques, les chrétiens sont les plus exposés », insiste le représentant du Vatican. « La réconciliation est-elle possible ? », l’interroge un membre de la CHREDO.

« En ce moment, trois paroisses sont sous le contrôle d’al-Nosra. Ils les laissent survivre. Mais ils n’ont plus de croix sur les églises, pas le droit de faire sonner les cloches et les femmes doivent être voilées. L’an dernier, dans le nord-est du pays, trente villages ont aussi été vidés de leurs habitants chrétiens lorsque les Kurdes ont affronté Daech », liste Mgr Zenari, avouant qu’il est impossible de savoir combien il reste de chrétiens, en Syrie.

En 1946, à l’indépendance, ils représentaient environ 30 % des trois millions d’habitants que comptait le pays. Mais durant les décennies suivantes, ils ont perdu la guerre des berceaux. Evalué à 7,8 enfants par femme des années 60 aux années 80, l’indice de fertilité est certes tombé à 3,5 en 2009, mais les forts taux de natalité qui ont vu la population syrienne atteindre les 22 millions d’habitants avant l’embrasement de 2011 ont surtout concerné les campagnes, plutôt sunnites et conservatrices, au niveau d’éducation plus faible, que les milieux urbains, où les minorités chrétiennes, plutôt progressistes, ont conservé un taux de natalité stable et faible, à l’instar d’autres minorités alaouites ou druzes. Laminoir démographique que poursuivent les persécutions d’aujourd’hui.

Un minaret voisin d’une église à Damas : jusqu’à la guerre, plus d’une quinzaine de groupes confessionnels cohabitaient pacifiquement en Syrie.
Un minaret voisin d’une église à Damas : jusqu’à la guerre, plus d’une quinzaine de groupes confessionnels cohabitaient pacifiquement en Syrie.

Au début, c’était une guerre civile, « mais chaque année vient compliquer la situation », poursuit le nonce. « Aujourd’hui, c’est une guerre civile mondialisée et les informations sur la Syrie ne sont pas très objectives, beaucoup d’ambassades ont fermé », regrette-t-il. Selon lui, les problèmes pour les chrétiens sont surtout arrivés avec la deuxième année de guerre, avec « l’invasion des jihadistes qui sont venus de Tchétchénie, du Bangladesh, d’Egypte, du Maghreb et qui ont commencé à détruire les lieux de culte ». Et révélé les « nuances » entre fanatiques… Al-Nosra, filiale locale d’al-Qaïda ? Elle compte pas mal de Syriens dans ses rangs. « Ils connaissent les églises des chrétiens et se montreraient plus « raisonnables » envers eux », explique l’homme d’église. Tandis que l’internationale suicidaire recrutée par Daech…

Le nonce retient la délégation à déjeuner. La conversation se poursuit après le benedicite. Sans langue de bois. Mais avec métaphores. « Pour sauver sa tête, le serpent sacrifie sa queue », lâche le nonce. Printemps arabes avant d’immédiats hivers salafistes… Selon les Occidentaux et leurs alliés du Golfe, Bachar al-Assad ne pouvait tenir que quelques mois. C’était il y a cinq ans. Le régime fait la part du feu mais ne pliera jamais. Résonne alors à table la phrase de Lakhdar Brahimi, ancien représentant de l’ONU pour la Syrie.« En Syrie, nous nous sommes tous trompés ».

Dans le souk de Damas, les prix des denrées de base sont contrôlés par l’Etat syrien mais pour le reste, tout a terriblement augmenté.
Dans le souk de Damas, les prix des denrées de base sont contrôlés par l’Etat syrien mais pour le reste, tout a terriblement augmenté.

Professeur de français, Kamare Ayoubi déjeune à ma gauche. Elle porte à sa boutonnière un vieux pin’s : le drapeau syrien et le drapeau européens entrecroisés. Elle aime la France de Voltaire, de Victor Hugo. Sa langue. Sa culture. Sa République. Sa laïcité. Mais elle ne la comprend plus, ni sa relation avec le pouvoir wahhabite d’Arabie saoudite. Comme Maamoun Abdulkarim, le directeur général des antiquités que nous avions rencontré en septembre dans son musée refuge de Damas, elle attend le soutien de Paris, la capitale des arts, contre les barbares qui ravagent le pays, tuent, pillent, violent et réduisent à néant un extraordinaire passé, des civilisations fusionnées.

L’embargo a durci les conditions de vie de tous les Syriens, mais les friandises permettent toujours d’adoucir quelques instants la vie.
L’embargo a durci les conditions de vie de tous les Syriens, mais les friandises permettent toujours d’adoucir quelques instants la vie.

Quant au quotidien, elle dit… « La Syrie était le pays le plus sécurisé de la région, le plus laïque, nous n’avions pas de dette, nous étions autosuffisants en nourriture, pour nos vêtements, aussi, un gros exportateur de blé et le quatrième pour l’huile d’olive. Aujourd’hui, dans le gouvernorat de Damas, avec les réfugiés, la population est passée de 5 à 8 millions d’habitants, l’immobilier et le pain ont été multiplié par trois et plus, un kg de pain valait 15 livres syriennes, il en vaut 50 aujourd’hui, en 2010 1$ valait 45 livres, il en vaut 500 aujourd’hui, mais malgré l’embargo, la vie continue, même si c’est de plus en plus cher ».

« La France a eu sa part dans l’histoire de ce pays », rappelle aussi, en français, le vicaire du patriarche grec orthodoxe d’Antioche, dans le vieux Damas. Mais qui se souvient aujourd’hui que dès le début de son mandat sur la Syrie, Paris a créé le Territoire des Alaouites en 1920 face aux velléités panarabes sunnites, formé les cadres d’une future armée syrienne… enfin bref.

L’entrée dans le vieux Damas pas la Via Recta.
L’entrée dans le vieux Damas pas la Via Recta.

Pour aller au patriarcat ? On remonte à pied la Via Recta, l’antique voie romaine qui traversait Damas d’est en ouest. Celle que Saint-Paul a empruntée avant de faire de la Syrie l’un des principaux foyers de sa nouvelle foi. « Elle rappelle aussi que quatre papes furent syriens », commente Patrick Karam. Ici, les touristes passaient également par milliers. Ouverts, les magasins d’antiquités, de souvenirs, restent vides. Aux carrefours, très jeunes ou hommes déjà mûrs, des miliciens armés montent la garde. La guerre c’est aussi cela : la moisson des 20-30 ans, dans la force de l’âge, tombés ou partis pour ne pas y rester. La pénurie de métiers entiers, dans la maintenance, l’informatique, qui ont choisi d’émigrer, confie un Damascène.

La Grande Mosquée des Ommeyyades, à Damas.
La Grande Mosquée des Ommeyyades, à Damas.
Le mausolée abritant les reliques de Saint Jean Le Baptiste, vénérées par les chrétiens et les musulmans.
Le mausolée abritant les reliques de Saint Jean Le Baptiste, vénérées par les chrétiens et les musulmans.

Christianisme, mais également islam, indissociables à Damas : ici chaque religion a des racines, vous rappelle encore plus loin la grande mosquée des Omeyyades où l’imposant reliquaire présenté comme abritant la tête de Saint Jean le Baptiste est vénéré par tous, chrétiens et musulmans embrassant la grille protégeant le mausolée. « Depuis toujours les chrétiens jouaient un rôle de lien entre toutes les confessions dans tous les domaines de la vie, mais dans la banlieue de Damas, toutes les églises ont été détruites », poursuit le vicaire, qui veut rester sur « l’espoir que le pays renaisse ».

Sa Béatitude Mor Ignatius Ephram II
Sa Béatitude Mor Ignatius Ephram II

« Ce n’est pas une guerre de religions, s’il y a un problème, c’est un problème inter-musulmans », estime pour sa part sa Béatitude Mor Ignatius Ephram II, patriarche de l’église syriaque orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient. Chez lui, un monument accueille le visiteur pour lui rappeler l’autre génocide de 1915, oublié : celui de cette communauté. Lui aussi répète qu’il ne s’agit pas d’une guerre entre chrétiens et musulmans.

« Aidez-nous à rester au Moyen-Orient » lance-t-il, assurant qu’il ne reste désormais plus que 0,5 % de chrétiens en Turquie, que 80 % des chrétiens d’Irak recensés avant 2003 sont partis et que pour la Syrie, plus de 40 % ont déjà quitté le pays. « Nous n’avons pas porté les armes car nous sommes contre le port des armes par des chrétiens, mais pensions que le gouvernement et l’armée allaient renverser les choses.

Nous pensions aussi que nos amis français nous aideraient, nous avons été très surpris par leur position. Aujourd’hui, nous souhaitons que le gouvernement et l’opposition arrivent à une solution purement syrienne et qu’ils reconstruisent le pays », poursuit-il. Révolution, réforme, changement : peu importe les mots, c’est aux Syriens de décider de leur sort et de leur président, insiste-t-il. « Nous ne croyons pas à une solution ni à la démocratie si elle vient d’Arabie saoudite ou du Qatar, toutes leurs tentatives étant orientées vers l’islamisme », poursuit-il, ne faisant aucune différence entre Daehc et al-Nosra.

Dr Ahmad Hassoun, Grand Mufti de Syrie.
Dr Ahmad Hassoun, Grand Mufti de Syrie.

Quant aux négociations… « notre place n’est pas à Genève, nous refusons d’y être représentés en tant que chrétiens car cela signifierait la présence d’autres délégations religieuses alors qu’il faut séparer les choses : la religion est une question strictement d’ordre privé ». L’avis même du Dr Ahmad Hassoun, Grand Mufti de Syrie, sunnite et avocat de la séparation des pouvoirs temporels et religieux. « L’unique objectif de la religion est d’avoir une relation humaine qui se base sur l’amour. Alors pourquoi ces conflits ? Les Français, eux, ont le secret depuis plus de 100 ans pour les éviter : ils savent que la place de la religion n’est pas au palais, que la politique et la religion doivent rester séparées. C’est la laïcité. »

 

Le refuge kurde des chrétiens d’Irak, menacés de disparition…

Seul havre relatif, pour les chrétiens sur cette carte dévorée par le groupe Etat-islamique et les différentes organisations jihadistes salafistes, plus ou moins franchisées d’al-Qaïda ? Le Kurdistan irakien. Cap à l’est à présent, vers Erbil, la capitale de la région autonome, où chaque jour les ponts se coupent un peu plus avec Bagdad et où la proclamation de l’indépendance ne semble plus qu’une question de semaines.

Vue depuis la citadelle antique, classée par l’Unesco, la ville moderne d’Erbil.
Vue depuis la citadelle antique, classée par l’Unesco, la ville moderne d’Erbil.

Erbil, exil… Inachevé, l’immeuble campe sa carcasse grise à la périphérie de la métropole et de ses modernes buildings en construction, loin des hôtels de luxe qu’avait fait flamber la manne pétrolière régionale. Quand les affaires allaient bien. Avant que la matrice wahhabite n’engendre Daech. Avant que les Saoudiens n’effondrent les prix du brut dans leur guerre du pétrole contre le reste du monde.

Ikhless et ses enfants.

Erbil, exil… Ici, le panneau au-dessus de l’entrée dit Al-Hamal Hope Center for the deplaced people from Nineveh. Al-Hamal : l’espoir, pour les déplacés de Ninive et pour ne pas dire « camp de réfugiés » « Mais quel espoir ? », interroge Ikhless, entourée de ses trois enfants.

 

 

 Un camp reste un camp…

Grands-parents, enfants et petits-enfants vivent dans deux pièces.
Grands-parents, enfants et petits-enfants vivent dans deux pièces.

« On avait une grande maison, de l’argent, des bijoux, deux voitures, tout le confort. Je suis arrivée ici il y a 18 mois avec juste nos vêtements, mes deux filles, mon garçon et mon mari. Officier irakien, Bagdad ne l’a plus payé depuis quatre mois. Nous n’avons plus rien. Ce n’est plus vivre mais survivre », poursuit-elle, assise dans la chambre de 16 m2 résumant ici tout quotidien, désormais, pour 150 familles chrétiennes et une dizaine de Yézidis.

Pas de travail et une seule pièce sans fenêtre pour vivre.
Pas de travail et une seule pièce sans fenêtre pour vivre.

Avec ses étroits lits-banquettes plaqués au mur, deux rideaux pour simuler un semblant d’intimité, les piles de couverture bien rangées, un réchaud, trois ustensiles, une image de la Vierge et un crucifix pour toute décoration. Bâti en béton sur plusieurs étages et pavé de bonnes intentions, un camp reste un camp…

L’avenir s’y butte aux murs de parpaings et bégaie la même journée invariablement recommencée. Faite d’effluves de cuisine, de corvées de linge, de promiscuité et d’odeurs assorties, de fuites d’eau, de cris d’enfants le jour et de pleurs silencieux des parents la nuit. Ils habitaient Karakoch. La plus grande ville chrétienne d’Irak, près de Mossoul où, de l’autre côté du Tigre, dormaient les ruines de Ninive. Le chaos noir de Daech les a submergés. La barbarie comme une fange mortelle sur le berceau de la civilisation, la Mésopotamie d’Uruk, des Akkadiens puis de l’empire Assyrien. C’était en août 2014.

Centre Al Hamal
Centre Al Hamal

Payer, partir ou mourir. Avec leur vie, ils ont vu s’effondrer leur passé millénaire, également massacré. Le Kurdistan les a recueillis. 5,3 millions d’habitants auxquels se sont ajoutés 1,8 million de déplacés et réfugiés parmi lesquels 150 000 chrétiens et 300 000 Syriens… à s’occuper en plus des 1 050km de front à tenir face à Daech. Sans vrais moyens.

Cauchemars

Son épouse a accouché il y a trois jours, Haythan ne sait pas comment payer la note d’hôpital.
Son épouse a accouché il y a trois jours, Haythan ne sait pas comment payer la note d’hôpital.

« Les petites sont toujours terrifiées par les cauchemars », reprend Ikhless. Et les enfants n’arrivent plus à apprendre. Perturbés et « sans assez de lumière pour travailler ». D’une chambre à l’autre, des mains vous invitent à entrer. Pour vous montrer la petite fille malade, tétant mécaniquement son biberon vide, les yeux fermés. Et son petit frère, né il y a trois jours. Leur père Haythan est désespéré. Accablée, la jeune accouchée plonge son visage dans ses mains. Haythan sort la facture de l’hôpital aux zéros alignés. Le dinar irakien a beau être dévalué, il n’a pas le premier sou pour payer. Il était marchand de fruits et légumes« et ici, on ne trouve pas de travail ».

Mathaus, 77 ans, sa femme Amia, 70 ans, leur fille et leurs petits enfants : “Dans la nuit, l’armée kurde est venue nous réveiller. “Fuyez, Daech arrive !” On a juste eu le temps de prendre quelques affaires avant de fuir. Je n’avais jamais imaginé que ça puisse arriver”, raconte Mathaus.
Mathaus, 77 ans, sa femme Amia, 70 ans, leur fille et leurs petits enfants : “Dans la nuit, l’armée kurde est venue nous réveiller. “Fuyez, Daech arrive !” On a juste eu le temps de prendre quelques affaires avant de fuir. Je n’avais jamais imaginé que ça puisse arriver”, raconte Mathaus.

« Je veux ma maison, je veux que Daech parte », prie-t-il. Muré, le grand-père s’absorbe dans la télé. Tandis qu’un Christ de calendrier constate que les paraboles transmettent désormais comme partout du foot, des catastrophes et de la publicité. à côté ? Ils sont quatre. Le père se rappelle « deux des trois enfants tués chez mon voisin ». D’autres se rappellent une femme devenue aveugle après avoir vu égorgé son fils sous ses yeux. Plus loin. Un autre camp, le Karabach. Où 199 containers baptisés « caravanes » ont remplacé les tentes pour 215 familles « grâce aux évêques, aux prêtres et aux ONG » insiste un habitant. Une Vierge de Lourdes veille sur la salle commune.

 

« C’est temporaire… »

Wassim, deux ans et demi. Les enfants tombent souvent malades.
Wassim, deux ans et demi. Les enfants tombent souvent malades.

« Au début ça a été dur, l’eau n’était pas potable, l’électricité intermittente, il y avait des serpents. Maintenant il y a deux écoles, une crèche…Mais le Karabach, c’est temporaire, même si chaque jour, on souffre de plus en plus, la majorité ne veut pas émigrer : elle attend qu’on chasse Daech pour rentrer », explique le curé.

Ainsi Faadi, 11ans, qui « rêve tous les jours de [sa] maison » et veut devenir professeur. D’autres mains qui se tendent, invitation à entrer en forme de supplique. Sur le lit, Wassim, 2 ans et demi, est allongé sur le dos. Inerte, les yeux fermés, le souffle imperceptible. Mauvais oreillons.Le père et la mère ne savent plus quoi faire. Ils n’ont pas de médicaments. « Dans les camps, avec les conditions sanitaires, les enfants tombent souvent malades », explique un humanitaire.

Stavrou, 18 mois, et sa mère.
Stavrou, 18 mois, et sa mère.

Une voisine veut montrer son neveu. Stavrou a 18 mois, un problème au cœur. Il a besoin d’une opération. La délégation française qui visite le camp relève son nom.« On le fera opérer à Paris ou Toulouse », promet un parlementaire, médecin.

“Le monde se préoccupe des pandas menacés, des grenouilles d’Australie, mais personne ne fait rien pour nous qui allons disparaître des terres qui nous ont vu naître” : les paroles de Mgr Nicomède Daoud Sharaf, l’archevêque syriaque orthodoxe de Mossoul, la veille. Et son avertissement qui revient en mémoire, en quittant le camp. Verbatim sur le carnet… “Le génocide, les populations persécutées, déportées, déplacées, laissent des traces dans l’histoire, ce n’est pas “juste un moment de l’histoire”, cela a des répercussions au delà, c’est le viol de notre dignité, de nos églises, de nos couvents, c’est l’humiliation de nôtre âme.

Le peuple est en dépression, on n’a pas beaucoup d’espérance et plus d’espoir dans le gouvernement de Bagdad. Le président Hollande nous a fait l’honneur de nous rendre visite, jamais le gouvernement irakien. Pour eux, nous sommes les oubliés de l’histoire, ils n’ont pas le temps de voler et de s’occuper de nous.

Les chrétiens n’ont plus d’espoir non plus dans les gouvernements occidentaux pour trouver une solution. Sur les 13 000 familles chrétiennes qui étaient à Erbil, 3000 sont déjà parties, à ce rythme là, dans un an, il ne restera personne et s’il n’y a plus de chrétiens en Orient, ce sera un gros problème pour l’Occident. Je lance un appel aux Français des droits de l’Homme et pas seulement pour les chrétiens : tout le monde a besoin de paix. On demande à rentrer chez nous, à retrouver nos terres mais nous avons besoin d’une protection internationale.”

Gewargis III Sliwa.
Gewargis III Sliwa.

Rentrer, mais protégé par qui ? Inquiétude récurrente. « Notre avenir est noir. Nous sommes présents depuis le Ier siècle dans ce pays, mais on arrive à un tel point que bientôt, il n’y aura plus personne. Nous, les Assyriens, l’une des plus anciennes églises, nous étions 50 000, nous restons 5000.

Les deux tiers des chrétiens ont déjà quitté l’Irak. Que votre passage ici redonne espoir aux gens pour qu’ils restent vivre ici… mais même rentrés dans nos villages, qui va nous protéger quand ce sont nos voisins nous ont dénoncés à Daech ?

Vous croyez que ce sera facile de retourner à Mossoul ? », interroge aussi Gewargis III Sliwa, patriarche de l’église apostolique assyrienne d’Orient, dénonçant des persécutions qui ont commencé en 2003, dès l’intervention américaine. “Bush… Pourquoi a-t-il fait ça ?”, interroge-t-il. “En 2012, je suis allé à Washington, un élu du Congrès m’a demandé comment était la vie avant et après l’intervention américaine. Je lui ai dit, “en 2003, on avait la main dans l’eau chaude, vous l’avez retirée pour l’ébouillanter et la jeter au feu. Aujourd’hui, à Bagdad, une mère de famille chrétienne ne sait pas si elle rentrera vivante des courses.”

Le pasteur Norek Arthin.
Le pasteur Norek Arthin.

Aujourd’hui, à Bagdad… “Toutes confessions confondues, il y avait 18 000 chrétiens avant 2003, nous restons environ 4000. Il y a deux types de persécutions contre les chrétiens”, explique à présent le pasteur arménien Norek Arthin. “Les autorités les empêchent de travailler et ils sont victimes d’attentats terroristes”. Pourtant, il faut absolument que les populations restent, insiste-t-il aussi. Mais tout est fait pour les décourager, les inciter à partir, “au collège, il y a des pressions sur les jeunes chrétiennes pour qu’elles portent le voile, alors les parents ne les y envoient plus, d’où une perte d’éducation. Puis le quartier se vide petit à petit. Lorsque la dernière famille se rend compte qu’elle est seule, elle part aussi, à l’étranger. Suite aux attentats, il y a beaucoup d’orphelins chrétiens et yézidis à Bagdad, mais les autorités ne s’occupent pas de ces enfants là”, constate-t-il encore.

Yézidis : “La survie de la civilisation”

Vian Dakhil
Vian Dakhil

Il fait nuit, maintenant, sur Erbil. Et il est très tard. Mais elle tient à rencontrer la délégation française. Elle est même rentrée exprès de Bagdad… Cette femme qui vous accueille dans la grande maison de son père ? Elle a été la première à dénoncer le génocide, celui mené par Daech contre son peuple. Et ses larmes ont ému le monde entier. « Ce n’était pas des larmes de peur, mais d’un sentiment d’abandon », se souvient Vian Dakhil.

Ce jour-là, le 5 août 2014… Seule députée yézidie à l’Assemblée irakienne, elle lance un appel déchirant au Parlement. Dans les montagnes de Sinjar, 35 000 Yézidis sont pris au piège par l’ordre noir du jihadisme salafiste. Dépositaires de l’une des plus anciennes religions de la région, ils sont « les adorateurs du diable » aux yeux des fanatiques qui veulent les anéantir.500 hommes ont déjà été massacrés. « Nos femmes sont capturées et vendues sur le marché aux esclaves […] toute une religion va être rayée de la Terre », sanglote d’indignation Vian Dakhil, brisant d’un coup l’indifférence internationale.

Une confiance à reconstruire

Aujourd’hui, assise dans l’opulent grand salon de réception familial, elle ne veut pas revenir là-dessus. « Tout le monde sait ce qui s’est passé ». L’enjeu n’est pas de ressasser.« Avec les femmes yézidies transformées en esclaves sexuelles, le vol de nos terres, la question, c’est la diversité du monde oriental, de la survie de la civilisation », cadre-t-elle d’emblée.Rentrée spécialement de Bagdad à Erbil pour rencontrer la délégation française de la CHREDO et les parlementaires français qui l’accompagnent (1), elle veut donc « parler de l’avenir ». Car « avant même de penser à reconstruire les maisons, il faudra reconstruire la confiance par rapport à ceux qui nous ont trahis », prévient-elle.

« Quand Daech est entré dans Mossoul, ils ne savaient pas qui était chrétien ou yézidi, ce sont nos voisins qui nous ont dénoncés à eux », explique-t-elle. L’autre poison durable qui mine la région. Aujourd’hui ? « 3 500 femmes yézidies sont encore aux mains de Daech qui subissent les pires horreurs physiques et psychologiques et 1 600 enfants, dès l’âge de 8 ans, ont été embrigadés dans des camps spéciaux pour y subir lavage de cerveau et entraînement pour nous combattre. Lorsqu’on leur fait appeler leurs parents, c’est pour qu’ils les traitent de kouffar, de mécréants », poursuit la députée.

Yézidis de Shingal (Sinjar) déplacés dans la région de Shekhan au Kurdistan. Photos Béatrice Dillies.

 

 

Inlassablement elle se bat pour racheter les femmes de son peuple, payant de 4 000 à 6 000 dollars par personne pour arracher, une à une, ces vies aux griffes de ceux qui les ont condamnées à mort. « De 11 à 16 ans, elles valent le plus cher.Moins cher avant et après », précise-t-elle. « Nous avons énormément besoin d’un pays comme la France.Notre plus grand problème ce n’est pas Daech, mais les gens qui soutiennent Daech », insiste-t-elle. Aux frontières et à l’intérieur.Et comme un écho de Rwanda dans ses paroles.

« 90 % des villes et villages yézidis ont été détruits.Depuis des centaines d’années, on vivait avec ces gens et du jour au lendemain, ils nous ont donnés à Daech. Des voisins ont tué les femmes et les enfants qui vivaient près de chez eux, un homme a enlevé la femme de son ami… Oui, comment reconstruire la confiance ? », répète-t-elle.

« Ce sera très difficile, mais il faut commencer, sinon, nous quitterons notre pays. Les gens de Daech vont peut-être disparaître, mais les voisins, eux, vont rester ».Génocide et vol des terres… tragédie qu’elle refuse de réduire à sa communauté : « c’est tout l’Irak qui est menacé, toutes les régions où vivent des minorités. Maintenant, il faut répandre l’idéologie de la paix.Nous avons beaucoup souffert, mais nous devons pardonner pour rester ici et ce pardon passera par la justice », conclut-elle.

« Besoin d’armes lourdes »

La paix. Long chemin en perspective comme Si vis pacem para bellum résonne alors dans l’oreille, mais avec les intonations amères de la voix de Khami Hedjar, conseiller au Parlement du Kurdistan irakien avec qui l’on vient de dîner. Face à Daech, les Peshmergas kurdes sont d’une bravoure régulièrement saluée.Mais sont un peu las de tenir seuls 1 050 km de front, avec juste une tape sur l’épaule assortie d’un « good job » de la part de la communauté internationale. Certes, la France les aide depuis le début, avec du matériel et ses forces spéciales.Mais…

Au pied de la forteresse d’Erbil, un marchand de souvenirs. Le drapeau kurde, la figure tutélaire de Moustapha Barzani, fondateur du Parti démocratique du Kurdistan irakien et père du président Massoud Barzani, y côtoient le Christ et la Vierge.
Au pied de la forteresse d’Erbil, un marchand de souvenirs. Le drapeau kurde, la figure tutélaire de Moustapha Barzani, fondateur du Parti démocratique du Kurdistan irakien et père du président Massoud Barzani, y côtoient le Christ et la Vierge.

«Nous avons besoin d’armes lourdes, d’armes antichars, de moyens aériens, nous avons besoin de drones face aux drones de Daech qui surveillent nos positions, nous n’avons pas de gilets pare-balles ni de tenues contre les armes chimiques. L’OTAN pourrait se débarrasser d’un peu de matériel, on est preneur. Certains pistolets que nous ont donnés les Allemands dataient de 1970, mais c’est mieux que rien, nos armuriers les ont remis à niveau et ça marche. Il faut savoir aussi que Daech paye ses combattants mais que nos Peshmergas, eux, plus de 100 000 soldats réguliers, payent leurs armes et leurs équipements. Nous avons besoin d’hôpitaux mobiles et d’hélicoptères, ne serait-ce que pour évacuer nos blessés. Aujourd’hui ? Ce sont des particuliers ou la famille, qui les évacuent dans leur voiture ! Faute d’évacuation rapide, nous avons perdu beaucoup d’hommes », raconte-t-il. Réalité très concrète à Erbil. La ligne de front est à 44 km.

“Le monde a-t-il besoin de plus de morts kurdes pour nous reconnaître ?”, interroge un député du parlement kurde. “J’ai rencontré beaucoup de délégations et j’ai toujours constaté l’éternel écart entre l’aide annoncée et l’aide reçue”, poursuit-il, sans inclure la France, “qu’il faut remercier pour l’aide aux Peshmergas et à son soutien dans la construction d’un état kurde”, mais demandant désormais une aide directe de la communauté internationale pour le Kurdistan, afin que ces subsides ne passent plus par Bagdad, où reste l’argent. De fait, un budget kurde de 17,5 milliards de dollars auquel l’état irakien contribuait à hauteur de 15 milliards… Mais désormais, Erbil ne touche plus un sou de la capitale, redoutant la faillite. La proclamation d’indépendance couve. “Le Kurdistan est une porte ouverte pour le vivre ensemble, une chance, il peut devenir le modèle du pardon et de la reconstruction”, conclut l’évêque chaldéen catholique, Mgr Bashar Matti Warda.

Source : https://pierrechallier.atavist.com/chretiensorient

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