L’insuportable silence de l’occident et de l’islam dit modéré

Après avoir reçu le 15 avril dernier une délégation de la Coordination « Chrétiens d’Orient en Danger » (CHREDO), le ministre français des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, déclarait notamment : « Concernant les chrétiens d’Irak, la France est très attentive à la situation des Droits de l’Homme concernant cette communauté ». Le ministre a rappelé le soutien de la France à de nombreux projets en lien avec cette minorité.

Position louable certes mais qui n’a pas empêché « Daech » trois mois plus tard de commettre les atrocités que l’on sait à l’encontre des chaldéens et les syriaques de Moussoul.

Interrogé il y a quelques jours sur ces actes barbares, le porte-parole du Quai d’Orsay précisait que ces massacres ont également visé des Chiites et d’autres minorités.

Réponse diplomatiquement correcte pour un responsable de communication d’un pays laïc mais qui ne nous dit pas comment cette France « très attentive à la situation des Droits de l’Homme » en Irak et dans la région compte réagir face à des crimes commis par « les alliés de ses alliés ». C’est-à-dire les amis des mouvements islamistes qui se battent en Syrie et qui visiblement veulent englober ce pays et son voisin irakien dans un seul et même État maintenant connu sous le signe EISI avec un Calife autoproclamé et des structures qui en disent long sur ses buts et son idéologie. Avec en préalable une conversion des Chrétiens à l’Islam sous peine de mort et, au mieux, une vie de « dhimmistes »…

Dimanche dernier, à l’appel du « Chredo », quelques centaines de personnes seulement ont manifesté sur le parvis de Notre Dame avant d’assister à une messe à l’intention des chrétiens d’Irak.

Dans le monde arabe ce n’était guère mieux il faut dire et quelques amis français n’ont pas manqué de nous le faire remarquer.

« Pourquoi n’y a-t-il pas un million de manifestants dans les rues de Beyrouth par exemple ? » s’est demandé un militant français des Droits de l’Homme.

Difficile de répondre à cette question sans expliquer la complexité de la situation au pays du Cèdre, explication qui du reste ne l’aurait pas convaincu.

Autre question d’amis français du Liban. Pourquoi les « modérés » de l’islam libanais qui prétendent être largement majoritaires dans leur communauté ne se mobilisent pas réellement contre la montée de l’extrémisme qu’ils condamnent verbalement ?

Réponse encore plus difficile sinon l’affirmation qu’il existe à Beyrouth et dans tout le pays des hommes courageux qui tentent de créer un courant prônant le dialogue des cultures, civilisations et religions qui apporterait sinon une réponse au problème des chrétiens d’Orient une réflexion porteuse d’espoirs pour les premiers chrétiens. Notamment ceux d’Irak dont une partie parle encore à la maison l’Araméen…Tout comme d’ailleurs les habitants de Maaloula en Syrie.

Mais peut-on demander à des hordes fanatisées de réfléchir ?…

Cela ne suffit évidemment pas.

Enfin, une remarque pertinente sur l’indifférence de l’Occident si hardi lorsqu’il s’agit de « punir » hier Assad et aujourd’hui Poutine.

Accorder des visas de longue durée à des familles chrétiennes d’Irak et de Syrie est exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire. C’est là une invitation à l’exode. Est-ce trop demander que d’envoyer des missions française ou européenne d’enquête pour dénoncer et désigner les responsables de cette insoutenable chasse aux chrétiens ?

Dans un ouvrage remarquable intitulé « Vie et Mort des Chrétiens d’Orient », édité déjà en 1994, un ancien ambassadeur de France écrivait sous le pseudonyme de Jean-Pierre Valognes et en guise de conclusion :

Y aura-t-il encore des chrétiens en Orient au troisième millénaire ?

Sans doute, mais ils auront cessé de compter. Sans le point d’appui qu’était le Liban où ils marchaient la tête haute, ils ne pourront que se modeler sur les valeurs dominantes et cesser, pour survivre, de s’assumer comme chrétiens. L’un des combats les plus longs de l’Histoire est bien près d’être perdu.

Article de Elie MASBOUNGI – Journaliste ; 30 juillet 2014

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