
« Nous sommes tous des sales Français et nous en sommes fiers », a clamé Hassen Chalghoumi, président de la conférence des imams de France.
Un millier de personnes se sont rassemblées dimanche 28 septembre, place de la République à Paris en hommage à Hervé Gourdel, l’otage français décapité le 24 septembre en Algérie par des djihadistes. De nombreux musulmans de France s’étaient déjà réunis vendredi 26 septembre devant la Grande Mosquée de Paris pour condamner « la barbarie » de l’Etat islamique.
Cette fois-ci, le rassemblement, qui s’est déroulé dans le calme, a réuni des personnalités de divers horizons. Des militants d’organisations antiracistes comme SOS-Racisme, l’Union des étudiants juifs de France ou le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples étaient présents. Mais aussi des élus, à l’image d’Anne Hidalgo, maire de Paris, ou encore des syndicats comme la CGT, ou la Coordination des chrétiens d’Orient en danger (Chredo).
A la tribune, les représentants des différentes associations se sont relayés pour honorer la mémoire d’Hervé Gourdel, condamner les actes de l’organisation Etat islamique, dont se revendiquent les assassins d’Hervé Gourdel, mais surtout montrer une unité entre religions. « Si ces djihadistes ont ciblé la France, ce n’est pas par hasard. Ils ont senti les divisions qu’il y a parfois dans notre pays, ils en profitent pour tenter d’instiller de la haine. Mais ce ne sera pas le cas, nous devons réinstaurer une logique de fraternité », lance Dominique Sopo, président de SOS-Racisme.
« UNE GUERRE ENTRE LA CIVILISATION ET LE TERRORISME »
Dans la foule, juifs, musulmans, catholiques, mais aussi athées se sont retrouvés pour « refuser que les djihadistes [nous] divisent ».
« Aujourd’hui, ce n’est pas une guerre de religion, c’est une guerre entre la civilisation et le terrorisme », explique Patrick Karam, président du Chredo.»
Khlifi Abel, 53 ans, musulman non pratiquant, s’est rendu au rassemblement avec un de ses amis : « Je suis né en Tunisie, je suis très bien intégré ici en France. Je suis là aujourd’hui car je ne veux pas que l’islam soit confisqué par ces barbares de l’Etat islamique. J’ai peur qu’il y ait une assimilation entre eux et nous. »
« C’est important qu’il y ait plusieurs religions représentées aujourd’hui. Nous sommes tous des humains et la religion ne doit pas nous diviser. Au contraire, il doit y avoir du respect », poursuit Bougaci Ramdane, musulman d’origine algérienne.
« JE NE VIENS PAS POUR M’EXCUSER »
Léon Lef-Forster, avocat, juif athée d’origine polonaise s’est également rendu au rassemblement « pour soutenir le mouvement de paix, l’absence de discrimination, et la lutte contre l’extrémisme ». « Ma mère a été sauvée de la Shoah, elle était inscrite sur la liste de Schindler. C’est peut-être pour cela que je suis très sensible à ce genre de cause », explique t-il. « Nos valeurs priment sur l’obscurantisme, au-delà des confessions, au delà de nos différences appartenances. Nous sommes tous Français », a rappelé Ibrahim Sorel Keita, président de la chaîne de la TNT Banlieues diversité médias TV.
Si tous les participants ont mis leurs différences de côté pendant ce rassemblement, cela n’a pas empêché quelques discussions houleuses entre certains manifestants. Invitée par le Chredo, la militante Frigide Barjot s’est fait une place dans la foule, pour défendre la cause des Chrétiens d’Orient, persécutés par l’Etat islamique. Une présence qui n’a pas plu à certains manifestants, qui n’ont pas hésité à la bousculer verbalement. « Elle n’a rien à faire ici, dans une manifestation républicaine. Elle est homophobe, elle a toléré dans ses rangs des personnes antisémites », crie Marie-Laurence, une catholique.
Un peu plus loin, Sonia, une musulmane de 30 ans débat avec un autre musulman. « Les musulmans sont divisés entre eux. Moi je ne me retrouve pas dans les représentants de la communauté musulmane », dénonce la jeune femme. « On ne les a pas entendus pour Gaza par exemple. On les entend quand ça les arrange. Aujourd’hui, je suis d’accord avec ce qu’ils défendent, mais je n’ai pas envie de venir en tant que musulmane mais en tant qu’être humain, je ne suis pas une criminelle, je ne viens pas pour m’excuser. » Les manifestants ont entonné la Marseillaise pour clore le rassemblement.
Source: Le Monde