
Organisés sous l’Empire ottoman en « communautés » reconnues, mais maintenues dans un état d’infériorité, les chrétiens d’Orient ne veulent plus être considérés comme une « minorité religieuse » mais comme des citoyens de plein droit.
Que revendiquent les chrétiens d’Orient ?
La citoyenneté. Le mot était sur toutes les lèvres, lors du colloque organisé ces derniers jours par l’Université catholique de Lyon sur « la vocation des chrétiens d’Orient, défis actuels et enjeux d’avenir dans leurs rapports à l’islam ». « Nous ne voulons plus être tolérés », résume ainsi Sœur Hanan Youssef, libanaise et religieuse du Bon-Pasteur. Cette responsable d’un dispensaire en plein quartier chiite regrette que ses coreligionnaires soient encore, dans leur propre pays,« traités comme des alliés de l’Occident ».« Beaucoup de musulmans aussi aspirent à la liberté. Notre vocation est sans doute de les aider à s’inspirer de certaines de ses valeurs comme la démocratie, la citoyenneté, avance-t-elle.C’est un service que nous pouvons leur rendre à eux aussi. »
Venus du Proche ou du Moyen-Orient – Égypte, Irak, Israël et Palestine, mais aussi Jordanie, Syrie ou Iran –, les participants ont dit leur souhait que les renversements de régime aboutissent non pas à des « drames pour les chrétiens », comme en Irak ou en Syrie, mais à la reconnaissance d’une réelle égalité entre citoyens, au-delà des différences ethniques, linguistiques, politiques et confessionnelles. « Il faut enfourcher le cheval de bataille des printemps arabes », résume Joseph Maïla, ancien recteur de l’Institut catholique de Paris et directeur de la prospective au Quai d’Orsay.
Quel est le contexte ?
Les chrétiens d’Orient sont d’abord des fidèles des Églises orientales, issues des schismes du premier millénaire. Mais, pour mieux asseoir sa mainmise, l’Empire ottoman en a fait aussi des « communautés » organisées, dotées de structures propres, d’une reconnaissance – et parfois d’une représentation – politique. Une reconnaissance toutefois inséparable de leur maintien sous le statut de « minorité ». C’est ce statut d’« inférieur », de « citoyens de seconde zone », selon les termes utilisés par les uns et les autres, que les chrétiens d’Orient veulent définitivement quitter.
Quel est l’avenir ?
Nombre de chrétiens d’Orient – comme Sa Béatitude Louis-Raphaël Sako et bien d’autres – œuvrent sur place pour« réclamer leurs droits ». Ici ou là, des musulmans avancent dans leur réflexion. Dans sa Déclaration sur l’avenir de l’Égypte de juin 2011, l’institution Al Azhar – plus haute autorité religieuse sunnite – a appelé le pays à « confirmer le principe de pluralité et le respect de toutes les religions monothéistes, tout en définissant la citoyenneté comme seul critère de responsabilité au sein de la société ». Enfin, comme le rappelle la déclaration finale du colloque, « il s’agit aussi de faire pression sur les nations, notamment occidentales, pour rester attentives au respect des droits de l’homme et de la liberté de conscience dans cette région ».
Au nom du ministère des affaires étrangères, le conseiller aux affaires religieuses, Roland Dubertrand, l’a redit: la France est sortie d’une logique de « protection » des chrétiens d’Orient. Mais au nom de son combat universel pour les droits de l’homme, et pour « assumer les liens créés par l’histoire », elle « appuie leurs revendications à la pleine citoyenneté ».
Renforcer la visibilité des Églises d’Orient
Allier la réflexion à « l’action », tel était l’objet du colloque organisé par Michel Younès, responsable du Centre d’études des cultures et des religions au sein de l’UCL. D’où cette déclaration finale en forme de programme, qui évoque plusieurs pistes: réfléchir « à une dénomination commune, comme par exemple l’Union des Églises d’Orient » pour « renforcer la visibilité et l’agir commun ». Mais aussi « encourager à la création de chaires universitaires, ou d’Instituts d’études en Europe et en Orient » pour valoriser « l’apport » et l’histoire des communautés chrétiennes dans ces pays.Enfin, au plan financier, « il ne s’agit pas uniquement d’aider à survivre, mais d’investir économiquement pour un enracinement territorial viable », rappellent les organisateurs. « Seul un investissement sur le long terme permet de maintenir des emplois et des familles en place. »
Source : La Croix, 01/04/14