
Des centaines de villageois chrétiens seraient aux mains de Daech, et des milliers dautres ont dû s’enfuir vers la ville de Hassaké, dont les islamistes veulent s’emparer.
Combien d’hommes, femmes, vieillards et enfants des villages chrétiens du Nord Est syrien sont-ils tombés lundi aux mains de Daesh ? Les chiffres oscillent, selon les sources, entre plusieurs dizaines et trois centaines mais une chose est sûre : une des plus vieilles communautés chrétiennes d’Orient, encore bien présente dans la province d’Hassaké, ville de 200 000 habitants toujours partiellement aux mains du régime syrien, vit un calvaire depuis l’invasion de ses villages, lundi à l’aube, par les milices de Daesh.
Les milices kurdes et chrétiennes, qui protégeaient ces localités, n’ont pas pu faire grand-chose devant le déferlement des djihadistes lourdement armés. Des dizaines de défenseurs seraient morts au cours des combats, qui auront au moins permis à un millier de familles (environ 5 000 personnes sur les 30 000 que compte la communauté) de prendre la fuite.
Des boucliers humains
« Des contacts locaux ont été établis avec les ravisseurs et on espère la libération des femmes et des enfants », voulait croire hier Mgr Pascal Gollnisch, qui dirige l’Œuvre d’Orient, dédiée à la protection des chrétiens moyen-orientaux. « En revanche, les hommes pourraient être gardés et servir de boucliers humains », précise l’ecclésiastique français qui connaît bien la région.
La pire crainte est évidemment que ces chrétiens assyriens, dont la plupart sont de paisibles ruraux, ne connaissent le sort atroce de leurs 21 coreligionnaires coptes égyptiens dont Daesh a filmé et posté la décapitation il y a quelques jours sur une plage de Libye : « C’était un message adressé au royaume de la croix, l’Europe, et le signe que Daesh est prêt à piétiner le principe de l’islam voulant qu’on n’attente pas à la vie des gens du Livre », soupire Mgr Gollnisch.
Cela fait longtemps que Patrick Karam dénonce les atrocités commises par Daech. Président de la Coordination chrétiens d’Orient en danger (Chredo), il a appris que la Cour pénale internationale, saisie par l’association, en septembre 2014, pour « génocide et crimes contre l’humanité », avait décidé d’instruire le dossier. « C’est très important, car cela peut déboucher sur une procédure en bonne et due forme avec une enquête complète sur les crimes de Daesh mais aussi sur les soutiens dont bénéficie l’organisation », se réjouit ce conseiller régional (UMP) d’Île-de-France.
« La Cour pénale internationale va instruire la plainte pour crimes contre l’humanité déposée par le Chredo… »
Fin 2014, Patrick Karam était allé au Caire plaider la cause des chrétiens et autres minorités persécutées devant la conférence anti Daech, organisée par l’université al-Azhar : une onction bienvenue pour une coordination présente dans tous les pays de la région abritant des chrétiens et qui a le soutien de 140 sénateurs et députés au Parlement français et à Strasbourg.
« Si ces crimes de guerre, sur lesquels nous avons fourni à la CPI un dossier étayé, étaient requalifiés en crimes contre l’humanité, cela obligerait les États et les Nations unies à réagir », explique à « Sud Ouest » le président du Chredo, qui sait que le parcours d’obstacles sera long.
Les chrétiens s’arment aussi
Sur le terrain, l’attaque de Daesh sur cette dizaine de villages chrétiens autour de Tall Tamer a resserré l’étau djihadiste sur Hassaké, distante d’à peine 12 kilomètres. Les combats ne sont pas pour autant finis : des villages auraient même été repris par les miliciens kurdes et chrétiens.
Ces derniers, face aux exactions touchant leurs familles, sont de plus en plus tentés de s’armer, comme c’est le cas au nord de l’Irak : là, des milices se sont créées et alliées aux Kurdes pour tenter de conserver Alqosh et les quelques localités de la plaine de Ninive qui résistent à Daesh.
Mais la triste réalité est celle de ces cohortes de fuyards, utilisant tous les moyens – à pied, à mobylette, en camionnette, en tracteur, etc. – pour s’entasser dans des abris de fortune en ayant laissé sur place tout ce qu’ils avaient. Et les secours sont insuffisants alors que l’hiver est toujours là. Ce nouvel exode de chrétiens, assorti de rapts, provoque un début de mobilisation internationale. Hier, des frappes de la coalition se sont abattues sur les secteurs concernés. Paris et Washington ont réagi. Mais on est toujours sans nouvelles des otages…
Source : Sud-Ouest, Publié